Soumis par admin le sam 01/02/2014 - 12:54

Article paru dans Le Droit de Savoir n°156

Les parutions précédentes du Droit de savoir (voir notamment les numéros 151 et 152) ont régulièrement rendu compte du long périple du projet de décret sur le paysage de l’enseignement supérieur.

La négociation sociale sur l’avant-projet de décret s’est clôturée en mars 2013. Les remarques les plus importantes des délégations syndicales sur les versions antérieures du projet de décret ont été rencontrées, en particulier celle sur la nature juridique de l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur (ARES), en faveur du statut d’organisme d’intérêt public de type B, comme c’était le cas précédemment du Conseil interuniversitaire francophone (CIUF). Autre point important : la demande de mise en place d’un comité de suivi paritaire pour accompagner le processus de mise en œuvre de ce décret a été acceptée lors de cette négociation. Comme indiqué dans l’exposé des motifs du décret « son rôle sera, avant de pouvoir passer entièrement la main à l’ARES, d’aider à la cohérence des diverses adaptations réglementaires et législatives durant la phase de transition dans l’organisation des études. »

Après avis du Conseil d’Etat en juin 2013 et examen par la Commission Enseignement supérieur le 15 octobre 2013 [1], le décret définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études a été adopté par 52 voix pour et 22 abstentions en séance plénière du Parlement de la Fédération Wallonie Bruxelles le 6 novembre 2013. Le décret est publié dans le Moniteur belge du 18 décembre 2013.

Outre la définition des missions de l’enseignement supérieur, ce décret comporte donc deux volets importants : d’une part, l’organisation académique des études et, d’autre part, la nouvelle structure du paysage de l’enseignement supérieur. Les 144 établissements qui constituent cet enseignement supérieur francophone (6 universités, 20 hautes écoles, 16 écoles supérieures des Arts et 102 instituts d’enseignement supérieur de promotion sociale) seront désormais coordonnés par une unique Académie de recherche et d’Enseignement supérieur. Ces établissements sont par ailleurs associés, selon le lieu de leur implantation, au sein de Pôles académiques. Cinq pôles sont constitués : le pôle de Liège-Luxembourg, le pôle Louvain, le pôle de Bruxelles, le pôle hainuyer et le pôle de Namur. Il existe un troisième niveau, assez flou, constitué de trois zones académiques interpôles : la zone Liège-Luxembourg-Namur ; la zone Bruxelles-Brabant wallon et la zone Hainaut, qui, elle coïncide avec le pôle hainuyer.

Cet article est limité à l’examen de la structure de l’ARES. Dans les numéros suivants, les autres parties du décret (pôles, zones, et orientation académique des études) seront abordées successivement.

Les compétences de l'ARES

L’Ares est chargée de garantir l’exercice des différentes missions d’enseignement supérieur, de recherche et de service à la collectivité et de susciter les collaborations entre les établissements.

L’article 21 du décret énumère les 25 missions qui lui sont attribuées. En condensé :

  • l’Ares est une instance d’avis, soit d’initiative, soit sur demande du Gouvernement, sur tout ce qui concerne l’une des missions des établissements de l’enseignement supérieur, entre autres : l’offre d’enseignement supérieur ; les habilitations ; les collaborations entre établissements, y compris les établissements extérieurs à la Communauté française ; la coopération académique au développement ; les formations continues ; l’identification des bonnes pratiques en matière d’aide à la réussite des étudiants et de support pédagogique aux enseignants ; les orientations à donner à la politique scientifique ;
  • l’Ares coordonne la représentation des établissements d’enseignement supérieur dans le cadre de missions et relations intercommunautaires et internationales ;
  • l’Ares définit les référentiels de compétences correspondants aux grades académiques délivrés et organise les écoles doctorales thématiques ;
  • l’Ares prend en charge l’organisation matérielle des tests, épreuves ou examens d’admission communs ; elle assure la gestion des données statistiques (étudiants et membres du personnel)  relatives à toutes les missions de l’enseignement supérieur ; elle réalise ou fait réaliser des études et des recherches scientifiques relatives à l’enseignement supérieur. 

Les instances de gestion

L’Ares est gérée par un Conseil d’administration et un bureau exécutif. Elle comprend trois Chambres thématiques et des commissions permanentes. Est également mis sur pied un Conseil d’orientation chargé de donner des avis au Conseil d’administration sur l’organisation et l’offre d’études d’enseignement supérieur, en fonction des réalités socio-économiques et socioculturelles et des besoins estimés en compétences, intellectuelles, scientifiques artistiques et techniques[2].

Le Conseil d’administration de l’Ares comprend 29 membres, tous avec voix délibérative, répartis comme suit : un Président ; les six Recteurs des Universités ; six représentants des directions des Hautes Écoles ; deux Directeurs représentant les Écoles supérieures des Arts, deux représentants de l’Enseignement supérieur de promotion sociale, six représentants des personnels[3] et six étudiants.  

Le Président est choisi en dehors des autres membres du Conseil d’administration. La présidence ad intérim est exercée par M. Viviers, qui présidait le CIUF.

Le Gouvernement désigne, sur proposition du Conseil d’administration, un administrateur de l’ARES qui assure le secrétariat général de toutes les instances de l’Ares. La procédure de recrutement de cet administrateur est en cours. C’est Mme C. Kaufmann, Directrice générale de l’Enseignement non obligatoire et de la Recherche scientifique, qui a été désignée Administratrice ad interim

Trois chambres thématiques sont créées : la Chambre des universités, la Chambre des Hautes Ecoles et de l’Enseignement supérieur de promotion sociale et la Chambre des Ecoles supérieures des Arts. Ces trois chambres correspondent aux organes consultatifs antérieurs, le CIUF, le Conseil général des Hautes Ecoles (CGHE) et le Conseil supérieur de l’enseignement supérieur artistiques (CSESA) qui sont supprimés. Les chambres transmettent leurs avis au Conseil d’administration de l’ARES.

Pour préparer ses délibérations, l’Ares est également entourée des commissions permanentes suivantes (dont la plupart existaient déjà dans les conseils consultatifs antérieurs) :

  • la Commission de la mobilité des étudiants et du personnel (CoM) ;
  • la Commission de l’Information sur les études (CIE) ;
  • la Commission de l’aide à la réussite (CAR) ;
  • la Commission de la coopération au développement (CCD) ;
  • la Commission des relations internationales (CRI) ;
  • la Commission de la vie étudiante, démocratisation et affaires sociales (CoVEDAS) ;
  • la Commission développement durable (CDD) ;
  • la Commission pour la qualité de l’enseignement et de la recherche (CoQER) ;
  • la Commission de la valorisation de la recherche et de la recherche interuniversitaire (CoVRI) ;
  • la Commission observatoire et statistiques (COS) ;
  • la Commission des bibliothèques et services académiques collectifs (CBS) ;
  • la Commission de la formation continue et de l’apprentissage tout au long de la vie (CoFoC) ;
  • la Commission chargée de recevoir les plaintes des étudiants relatives à un refus d’inscription.

Après négociation sociale, le Gouvernement a pris le 19 décembre 2013 un arrêté relatif au cadre des membres du personnel de l’Ares. Cet arrêté, publié au Moniteur le 31 janvier 2014, fixe le statut administratif et pécuniaire des membres du personnel de l’ARES, dont la plupart étaient membres du personnel du CIUF, du CGHE ou du CSESA. Cet arrêté fixe aussi les conditions d’exercice du mandat de l’Administrateur de l’ARES.

Le Conseil d’administration de l’ARES a tenu ses deux premières réunions les 17 janvier et 14 février. 

Deux priorités : le financement de l'enseignement supérieur et l'harmonisation des statuts

Le 6 décembre 2013, lors de la séance plénière du Parlement, un parlementaire a fait l’intervention suivante :

 […] le travail n’est pas terminé. D’abord, une importante échéance nous attend sur la question du financement dans les années à venir. Depuis plus de quinze années, nos hautes écoles et universités n’ont pas vu leur financement public évoluer significativement. Ces établissements accueillent pourtant un public qui a crû d’environ 25 pour cent depuis la mise en place du système, ce qui ne va pas sans poser des difficultés. Une étude présentée en mai dernier à la Commission de l’enseignement supérieur contient plusieurs pistes intéressantes pour faire évoluer le mécanisme de financement en tenant compte des différents publics. Nous souhaitons qu’un débat sur ce sujet s’engage sans tarder pour répondre à la forte attente du secteur.

Le chantier de l’harmonisation des statuts du personnel dans les différents types d’enseignement constituera également un rendez-vous majeur. Le rapprochement des hautes écoles, écoles supérieures des arts, universités et établissements supérieurs de promotion sociale implique, en effet, une mobilité des personnels de ces différents types d’enseignement. Par conséquent, les disparités actuelles entre les statuts doivent être réduites pour rendre cet objectif possible. Il va sans dire qu’une telle harmonisation ne doit porter préjudice à aucune catégorie du personnel ni à aucun type d’enseignement.

Ces deux chantiers du refinancement et de l’harmonisation des statuts du personnel qu’attendent les parlementaires sont aussi ceux que réclament également — avec autant d’empressement — les délégation syndicales des personnels de l’enseignement supérieur.

Et il faut pour cela que le comité de suivi soit activé.

***

[1]  Le rapport de la Commission parlementaire du 15 octobre  http://archive.pfwb.be/1000000010d20a2 comporte un long exposé introductif du Ministre Marcourt (18 pages), développant l’exposé des motifs du décret et intéressant sur le plan documentaire.

[2] Un article du Droit de savoir sera également consacré ultérieurement à ce Conseil d’orientation.

[3] Les deux représentants pour la CSC sont : Anne-Françoise Van Gansberght (CSC-Enseignement) et Didier Lebbe (CNE).

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