Soumis par admin le jeu 01/03/2018 - 14:26

Article paru dans le Droit de Savoir n°172

Quels défis notre enseignement supérieur aura-t-il à affronter d’ici 2030 ? Comment s’y préparer au mieux ? Un collège d’experts extérieurs – et hélas peu représentatif - constitué par l’ARES s’est intéressé à ces questions. Dans ses conclusions publiées récemment se trouvent de rassurantes évidences : l’enseignement supérieur est un bien public, les institutions ont un rôle démocratique majeur et la fracture sociale doit être combattue. Mais, dans un contexte de concurrence internationale, « l’excellence » et « l’ambition » deviennent les maîtres-mots.

Pour parvenir à ces objectifs, les experts préconisent un rassemblement en grandes institutions, présentes sur un nombre réduit d’implantations et dotées d’une autonomie renforcée, notamment concernant leur personnel. L’égalité barémique est particulièrement visée. Les impératifs de compétitivité justifieraient-ils tout, y compris la possibilité de rémunérer chercheurs et académiques en fonction de leur supposée valeur sur le marché académique mondial ? Selon que vous serez puissant ou misérable sur l’échelle de l’indice H…

En guise de consolation, un cadre statutaire unique pour l’ensemble des personnels de l’enseignement supérieur est proposé. Mais celui-ci devrait laisser aux établissements davantage de liberté en matière de recrutement, de promotion et licenciement… Un tel statut ne nous tiendrait pas au chaud durant les périodes d’hiver qui frappent de plus en plus souvent la concertation sociale dans les établissements. Le personnel administratif et technique, dont les experts ne mentionnent pas l’existence, ne serait pas épargné par ce changement de paradigme.

Le reste est à l’avenant : en tous domaines, la régulation démocratique semble devoir s’effacer au profit de la gestion stratégique, laissée aux mains de managers académiques tout-puissants, en lien avec les « milieux professionnels » (entendez les employeurs). Ainsi en irait-il de l’organisation interne ou encore de la création de nouveaux programmes, des modes d’évaluation des étudiants… jusqu’au choix de la langue d’enseignement ! Tout ceci n’empêche pas les experts de plaider pour un refinancement public de l’enseignement supérieur. Des institutions ayant moins de comptes à rendre à la collectivité devraient davantage bénéficier de l’argent public. Curieuse proposition à l’heure des discussions sur la « bonne gouvernance »…

Ces propositions contredisent frontalement les pieuses intentions énoncées en introduction. Elles doivent maintenant être mises en débat. La CNE Universités sera mobilisée pour défendre les droits des personnels de l’enseignement supérieur, construits durant des décennies de concertation sociale et durement attaqués par ce rapport.

Voir également l'avis publié par le secteur CNE des universités sur ce rapport